Élevage de poissons sur le lac Victoria: une leçon pour le Burundi sur le Tanganyika ?
Si le lac Victoria représente désormais plus d’un milliard $ d’échanges annuels, c’est aussi grâce à des projets innovants comme l’élevage intensif de poissons au sein de projets soutenus par l’Organisation des pêcheries sur le Lac Victoria (LVFO), une des institutions de l’EAC. De quoi inspirer le Burundi.
Imaginez une cinquantaine de cages de 6m de longueur, 6m de largeur et 7m de profondeur. Posées sur le lac en flottant grâce à des fûts en plastic, elles contiennent chacune 17.000 tilapias. Avant d’arriver dans ces cages, ces poissons ont été pesés pour correspondre à la quantité d’aliments à mettre dans une cage, soit 150 kg de tourteaux par jour. “Au bout de 6 mois de maturation, chacune des cages aura produit 8 tonnes de poissons”, explique Ir. John Bolingo, aquaculteur en chef de “Source of the Nile”, projet d’élevage de poissons financés par la LVFO à Jinja.
“Dès que vous avez installé les cages, le reste est facile à gérer. Les poissons évoluent dans leur environnement naturel, on n’a pas besoin de changer l’eau, et les consommateurs préfèrent ce genre de poissons plutôt que ceux qui viennent en boîte car le goût n’est pas le même”. Le marché d’écoulement de ce business très rentable est principalement le Kenya, dans les villes de Nakuru, Eldoret et Nairobi: “Nous y envoyons par semaine 10 tonnes”, explique Ir. Bolingo. D’autres villes en Ouganda, et au Rwanda, engloutissent entre 2 et 4 tonnes des cargaisons de poissons partant chaque semaine de Jinja.
Imaginons un seul instant une entreprise pareille au Burundi. Ayant la moitié de la superficie du lac Victoria, le Tanganyika avec ses 32.900 km² est 10 fois plus profond, sa profondeur moyenne étant de 570 m, contre 40 pour le Victoria. Sachant que le coût moyen d’installation d’une cage tourne autour de 1.500 $, et que celle-ci a une moyenne de vie de 20 ans, il n’est pas sorcier d’imaginer quels avantages un tel business engendrerait pour le pays. Que se soit sur le lac Tanganyika, ou dans les lacs du nord du pays.
D’ailleurs, le Dr Anthony Taabu-Munyaho du National Fisheries Resources Research Institute (NaFIRRI) rappelle que le Burundi est le pays dont les citoyens mangent le moins de poissons dans l’EAC, alors qu’il dispose d’un extraordinaire réseau hydrologique.
Dans sa présentation de la LVFO, son secrétaire exécutif Godfrey Vincent Monor a rappelé que cette institution spécialisée de l’EAC créée en 1996 a permis la mise en place de “mécanismes d’assurance-qualité dans l’exportation des poissons de l’EAC, leur donnant accès aux marchés dans plus de 24 pays ces 16 dernières années, dont l’Europe. Ce qui s’est traduit par une augmentation des exportations de 51 millions $ en 1994 à plus de 350 millions $ en 2018”.
Grâce à la coopération allemande (GIZ), la LVFO bénéficie notamment de 8 millions € pour l’exécution du Plan de gestion de la pêche de la perche du Nil, poisson qui génère à lui seul 250.000 tonnes de viande par an dans le lac Victoria. Adolf Gerstl, en charge de ce projet du côté de la GIZ, souligne que ce financement qui va de 2015 à 2019 vise notamment à augmenter la production de la perche du Nil, réduire la pêche illégale et soutenir et renforcer la structuration des activités sur lac.
Ainsi, près de 30.000 bateaux de pêche ougandais seront officiellement enregistrés (soit 39% des boats qui opèrent sur le lac Victoria), tandis que 2.000 entreprises de pêche menées par des femmes autour du lac bénéficieront des formations en gestion financière.
Le Secrétaire Général de l’EAC, rendant visite à la LVFO, s’est réjoui de son dynamisme: “Vos activités viennent répondre à notre première priorité dans la stratégie de développement de l’EAC, qui est la sécurité alimentaire des populations de la région. Chaque employé de l’EAC doit être confiant que ce qu’il fait bénéficie directement aux communautés à la base. Grâce à vous, le poisson du lac Victoria peut être vendu en Afrique, en Europe et dans le monde. C’est un pas important pour l’économie régionale”.