Grâce aux nouvelles données, la forêt ne cache plus les arbres

La première initiative africaine de collecte de données environnementales porte ses fruits

Article d’opinion d’Abebe Haile-Gabriel, Sous-Directeur général et Représentant régional pour l’Afrique de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).

Avec Moctar Sacande, Coordinateur du programme Action contre la désertification à l’appui de la Grande Muraille verte de l’Afrique à la Division des forêts de la FAO, et Danilo Mollicone, Fonctionnaire technique au Bureau du changement climatique, de la biodiversité et de l’environnement de la FAO.

Au milieu d’un cycle d’actualités très chargé, une révolution tranquille a lieu en Afrique.

Des analystes de données à travers le continent ont collecté des données sur l’agriculture, les terres et l’environnement et, pour la première fois, nous pouvons avoir une idée complète sur l’utilisation des terres en Afrique. Les données ont dévoilé plus de forêts et de terres arables que ce qui avait été détecté auparavant et ont révélé pour la première fois l’existence de 7 milliards d’arbres hors forêt. Nous pouvons voir les forêts et les arbres.

L’analyse montre également que 350 millions d’hectares de terres arables sont cultivés en Afrique, soit plus du double de l’Union européenne. Ces résultats confirment que l’Afrique dispose d’un énorme potentiel pour devenir une puissance de production, pour produire suffisamment de nourriture pour nourrir sa population et tirer des revenus des exportations, comme le font d’autres régions disposant de ressources en terres comparables.

Grâce à cette initiative, l’Afrique est le premier continent à avoir achevé la collecte de données numériques précises, complètes et harmonisées sur l’utilisation et les changements d’affectation des terres. La publication de ces résultats lors de la Semaine africaine du climat (26‑29 septembre 2021), est particulièrement pertinente, puisque les pays africains et leurs partenaires se réunissent pour discuter des actions contre le changement climatique en Afrique.

L’analyse a révélé que la zone couverte par l’initiative de la Grande Muraille verte en Afrique – qui vise à restaurer les terres arides et semi-arides – dispose de 393 millions d’hectares de terres pouvant être restaurées. Cette superficie équivaut à la taille de l’Inde et représente une grande opportunité pour le modèle de restauration à grande échelle mené par la FAO à l’appui de la Grande Muraille verte.

La liste des bons résultats est longue. On note, entre autres, que 17 millions d’hectares de terres ont été transformés en terres cultivées depuis 2000, soit une augmentation de 5 pour cent sur la période considérée. La République démocratique du Congo possède la plus grande superficie forestière (155 millions d’hectares), suivie de l’Angola (66 millions d’hectares). Le Nigeria possède la plus grande superficie de terres cultivées (50 millions d’hectares), suivi de l’Éthiopie (29 millions d’hectares). Seuls 10 pour cent des terres cultivées sur le continent sont irriguées.

L’innovation pour l’avenir de l’Afrique

L’initiative Africa Open DEAL (DEAL étant l’acronyme de «Data for Environment, Agriculture and Land» [Données sur l’environnement, l’agriculture et les terres]), a été menée par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et la Commission de l’Union africaine (CUA), et financée par l’Union européenne, l’Allemagne, la Turquie et le Programme de coopération technique de la FAO. L’immense opération de collecte de données a été menée entre 2018 et 2020 avec le soutien de l’Agence panafricaine de la Grande Muraille verte, de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) et de 30 pays africains.

Les analystes ont utilisé Collect Earth, un outil gratuit et open-source développé par la FAO avec le soutien de Google. Il a permis aux opérateurs d’agrandir des points d’échantillonnage d’environ 0,5 hectare grâce aux images à très haute résolution, ce qui leur a permis pour la première fois de compter les arbres individuels et de voir les terres agricoles, les feux de forêt, les infrastructures et autres utilisations des terres. Il est important de noter que des endroits difficilement accessibles sur le terrain ont pu être analysés, ce qui a permis à l’équipe de découvrir les 7 milliards d’arbres non répertoriés auparavant.

Les résultats sont maintenant disponibles gratuitement à tous les chercheurs: ils sont intégrés dans la plateforme géospatiale de l’Initiative Main dans la main de la FAO et sont accessibles à tous via EarthMap.org. Cela signifie que les utilisateurs peuvent détecter les endroits où la déforestation est en cours, où les habitations empiètent sur les terres cultivées ou les prairies, et où les zones humides disparaissent. Les pays peuvent suivre et rendre compte des instruments et accords relatifs au changement climatique, notamment les contributions déterminées au niveau national (CDN) et les indicateurs des Objectifs de développement durable.

La FAO soutient la transformation vers des systèmes agroalimentaires PLUS efficaces, inclusifs, résilients et durables pour une meilleure production, une meilleure nutrition, un meilleur environnement et une meilleure vie, sans que personne ne soit laissé pour compte. Nous sommes convaincus que la science et l’innovation peuvent apporter de véritables solutions à de nombreux problèmes auxquels le monde est confronté, et cette initiative contribue à éclairer la voie à suivre.