Renforcer la résilience dans le pays aux trois mille collines : éradiquer les facteurs de vulnérabilité climatique au Burundi

L’arrivée en avion à Bujumbura, la capitale du Burundi, offre un spectacle surprenant : tout est vert ! Cette ville paisible, lovée dans l’écrin du lac Tanganyika, le plus profond d’Afrique, est bordée au nord par d’imposants reliefs. Très vite, le voyageur réalise que ces quelque trois mille collines sont bien plus qu’une particularité géographique extraordinaire : elles abritent un patchwork de communautés organisées autour de chacune de ces collines. À bien des égards, elles reflètent la beauté et les souffrances des personnes qui y vivent et en tirent leurs moyens de subsistance. Ici repose l’âme des ancêtres et des familles disparues lors des conflits passés, en particulier pendant la crise de 1994. Ces collines racontent l’histoire du pays.

Mais, à force de surexploitation des ressources et de dégradation de l’environnement, ce paysage impressionnant et majestueux est en danger. Une menace accentuée par le dérèglement climatique. Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (UNOCHA, 2021), les catastrophes climatiques — au premier rang desquelles les pluies torrentielles, inondations et glissements de terrain — sont à l’origine de la totalité des déplacements forcés de population au Burundi en 2020. Ce constat souligne la nécessité de s’atteler d’urgence aux risques cumulés découlant de l’aggravation des effets du changement climatique, de la fragilité et des déplacements.

Une vulnérabilité multifactorielle

Comme de nombreux pays d’Afrique, le Burundi va subir de plein fouet les conséquences d’un changement climatique dont il n’est pas responsable.  Plus faible émetteur de gaz à effet de serre (GES) sur 188 pays, il ne contribue aux émissions mondiales qu’à hauteur de 0,01 % (du fait principalement des secteurs de l’énergie et de l’utilisation des terres). Dans le même temps, le Burundi est extrêmement exposé aux conséquences du dérèglement climatique et supporte les retombées des émissions mondiales : dans l’indice mondial d’adaptation Notre-Dame (a), qui mesure la vulnérabilité d’un pays au changement climatique, il ressort au 171e rang sur 181 pays.

En outre, du fait de la dégradation des terres, le Burundi perd chaque année environ 38 millions de tonnes de son sol et 4 % de son produit intérieur brut (PIB). Le secteur de la caféiculture illustre la dépendance économique des habitants aux ressources naturelles : la moitié des ménages burundais vivent de cette activité, qui rapporte 90 % des recettes extérieures du pays. Mais depuis 40 ans, la forte érosion des sols a réduit des deux tiers la production de café, faisant basculer des millions de personnes dans la pauvreté.

Au Burundi, les collines abritent plus de 90 % de la population essentiellement rurale du pays, majoritairement des femmes et des jeunes dont la survie dépend de l’agriculture et de la sylviculture. Elles sont par ailleurs un concentré des facteurs de vulnérabilité : 75 % des affaires judiciaires sont liées à des litiges fonciers et le retour récent et massif des réfugiés depuis les pays voisins — République démocratique du Congo, Rwanda et Tanzanie — attise régulièrement les conflits et les violences. Au Burundi, pauvreté et conflit sont étroitement liés à la dépendance aux ressources naturelles et à la vulnérabilité climatique. Depuis 2015, le pays est le théâtre de déplacements forcés d’une ampleur sans précédent : selon la matrice de suivi des déplacements de l’Organisation internationale pour les migrations, 131 000 personnes auraient été contraintes de quitter leur foyer en 2020, dont 83 % à la suite de catastrophes climatiques et 17 % du fait d’autres facteurs socioéconomiques.

Dans le cas du Burundi, le changement climatique aggrave des risques préexistants à travers l’intensification des précipitations et des variations de température, qui devraient s’accentuer d’ici 2030 à 2050, tandis que les inondations récurrentes, les glissements de terrain et l’érosion des sols détruisent déjà des moyens de subsistance et exacerbent la pauvreté. Les événements climatiques extrêmes de ces dernières années — graves inondations en 2006 et 2007 et sécheresses intenses entre 1999 et 2000 puis en 2005 — ont amputé le PIB de plus de 5 % et touché plus de 2 millions d’habitants. Sans oublier les crues du lac Tanganyika, de plus en plus problématiques. Particulièrement défavorisées, les populations Batwa sont au cœur de cette vulnérabilité multifactorielle, ce qui rend crucial le recours à des stratégies de développement pilotées par les communautés.

Le changement climatique est le facteur ultime d’aggravation des risques dans des pays fragiles et en situation de conflit comme le Burundi.  Le manque de préparation de leurs institutions face aux menaces environnementales et climatiques, le niveau élevé de pauvreté et la dépendance de l’économie à l’agriculture se conjuguent pour les rendre particulièrement vulnérables.

La réponse de la Banque mondiale pour jeter les bases de la résilience dans les collines du Burundi

Engagée depuis de longues années aux côtés du Burundi, la Banque mondiale continue d’accompagner le pays à travers une stratégie volontaire de renforcement de la résilience climatique à travers tous les secteurs. Plusieurs projets sont venus soutenir les efforts du gouvernement pour bâtir des écosystèmes et des moyens de subsistance résilients.  En s’attaquant aux causes et aux conséquences de la dégradation des terres, le projet d’aménagement durable des zones caféicoles, doté de 4,2 millions de dollars, a transformé l’environnement fragile du pays. Les approches testées à titre pilote ont été reproduites et étendues à travers le projet pour la compétitivité du secteur du café (55 millions de dollars), le projet pour la régénération des paysages et la résilience (30 millions de dollars) et le financement additionnel du Fonds pour l’environnement mondial (a) (6 millions de dollars). Ensemble, ces projets consolident les efforts consentis en systématisant la restauration des paysages, les travaux de terrassement et les activités visant à accroître la résilience des moyens de subsistance des communautés. Elles comprennent notamment un programme de certification foncière pour les groupes vulnérables, dont 50 % concernent des femmes agricultrices. Au total, 192 117 hectares de terres dégradées sur 31 collines seront convertis à des pratiques de gestion intégrée du paysage d’ici 2023.

Mais les 2 608 collines restantes nécessiteront un programme de restauration pour accroître la productivité des agriculteurs et des éleveurs et la résilience des habitants face aux risques climatiques actuels et à venir. La Banque mondiale s’est engagée à développer les activités à l’échelle du pays entier, pour intégrer toutes les collines, à commencer par une étude financée par PROGREEN, un partenariat mondial pour la promotion de paysages résilients. Le nouveau gouvernement burundais s’est quant à lui engagé à investir davantage dans l’éradication des causes profondes de la dégradation et de la fragilité de cet environnement, faisant du changement climatique l’une de ses priorités stratégiques.

Cette mission est réalisable mais le Burundi ne parviendra pas, seul, à concrétiser cette ambition. Parallèlement aux ressources additionnelles réunies par la Banque mondiale à travers son Allocation pour la prévention et la résilience, d’autres partenaires techniques et financiers doivent se mobiliser, notamment parmi les organismes des Nations unies et d’autres sources de financements climatiques concessionnels.

La lutte contre les risques climatiques dans les États fragiles accroît la résilience et atténue les causes de conflit, tout en favorisant la croissance et un développement durable à long terme. Pour être efficaces, les investissements climatiques doivent tenir compte de l'interdépendance entre risques climatiques et risques de conflit. Au Burundi comme partout ailleurs, ces investissements doivent également être sous-tendus par une volonté politique et institutionnelle forte pour impulser les changements qui permettront d’améliorer la résilience du pays aux trois mille collines.