Paysage Protégé de Kibimbi-Inanzegwe : Une Aire Protégée au Burundi en projet de création
Actuellement, le taux de couverture des AP sur tout le territoire est estimé à 5,6% contre au moins 10% que le Burundi s’était fixé en application de l’article 6 de la Convention sur la Biodiversité ratifiée par le Burundi en avril 1997 et de Stratégie Nationale et Plan d’Actions sur la Diversité Biologique (SNPAB 2013-2020). L’objectif national 11 de notre stratégie stipule que « d’ici à 2015, au moins 10% des zones terrestres et d’eaux intérieures notamment le lac Tanganyika, les chaines de montagnes de l’Est, y compris les autres zones spéciales riches en biodiversité et présentant d'importants services éco systémiques, sont conservées et reliées en réseaux d’aires protégées écologiquement représentatifs, et jusqu’à 2018, gérées efficacement et équitablement et intégrées dans l’ensemble du paysage terrestre et aquatique » (MEEATU, 2013).
C’est dans ce cadre que les chaînes de montagnes de Kibimbi et Inanzerwe ont été identifiées comme faisant partie des écosystèmes naturels non encore protégés en dépit de leur richesse en faune et flore.
Situés à cheval entre les régions naturelles de Bututsi en province de Bururi et Buragane en province de Makamba, ces massifs sont parmi les écosystèmes qui subissent des pressions de diverse nature d’origine anthropique lesquelles sont amplifiées par les effets du changement climatique.
Sur initiative du Gouvernement du Burundi et à travers l’OBPE, une délimitation a été effectuée autour de tous les massifs dans le cadre de l’identification des PPKI.
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Les limites ont alors été, dans un premier temps, déterminées par les coordonnées GPS, puis marquées à l’aide de la peinture et la fixation des bornes. La carte ci-dessous montre les limites des PPKI. Pour la produire, des équipes techniques de l’OBPE se sont rendues sur terrain pour prendre les coordonnées géographiques à l’aide des GPS, en concertation avec les chefs de collines et les populations locales. C’est donc une carte géo référencée avec une superficie bien déterminée de 11.642,71 ha dont 5.967,65 ha pour le massif d’Inanzerwe, 5439,68 ha pour Kibimbi et 235,38 ha occupés par les populations.
Importance pour la protection des massifs de Kibimbi-Inanzegwe
En ratifiant la Convention sur la Diversité Biologique (CDB), le Burundi s’est engagé à respecter les mesures et décisions prises au titre de la convention. C’est ainsi qu’en 2010, les Parties à la CDB ont adopté vingt (20) objectifs d'Aichi pour répondre à cinq grands buts stratégiques à savoir (i) gérer les causes sous-jacentes de l'appauvrissement de la diversité biologique, (ii) réduire les pressions directes, (iii) améliorer l'état de la diversité biologique, (iv) renforcer les avantages retirés de la biodiversité et, (v) renforcer la mise en œuvre de la protection de la nature.Protection de la diversité végétale et animale du site
Les petites forêts claires, les galeries forestières et la savane herbeuse qui recouvrent certaines zones des massifs jouent un rôle essentiel dans l’écologie terrestre et aquatique. Ces formations végétales ont comme rôles importants la conservation des espèces animales, la protection des sols et la régulation hydrologique des rivières dont les sources se situent dans les massifs. Elles permettent aussi de maintenir les sols grâce aux systèmes radiculaires, d’améliorer la cohésion des sols et donc de renforcer leurs propriétés mécaniques.
Protection de la valeur socio-économique
Les PPKI renferment diverses ressources naturelles qui, une fois entretenues dans de bonnes conditions environnementales, fourniraient en permanence aux communautés riveraines d’importants services sociaux et économiques. Cet écosystème constitue un château d’eau au Sud au même titre que la Kibira au Nord. Il s’agit des rivières Mutsindozi, Nyengwe et Rwaba en province de Makamba et les rivières Siguvyaye ( 2,75 MW) sur laquelle on a construit un barrage hydroélectrique de Nyemanga et du projet en cours de construction d’un autre barrage sur les rivières Jiji-Murembwe (49,5 MW). En plus de la production électrique, les sources d’eaux et les rivières sont utilisées pour l’adduction d’eau potable et l’irrigation des champs en vue d’augmenter la production rizicole dans les régions du Moso et de l’Imbo.
Bien plus, l’existence des eaux thermales dans les PPKI (Muyange dans Bururi) et à leurs abords (Muhweza dans Rutovu) est aussi importante pour les communautés locales. Apaisantes, fortifiantes et régénérantes, les eaux thermales ont depuis longtemps fait des preuves puisqu’aujourd’hui elles sont toujours utilisées dans les cures thermales traitant les problèmes dermatologiques importants. Elles sont donc appréciées pour leurs vertus thérapeutiques, curatives que leurs usages domestiques, tout cela, évidemment, sans le moindre traitement chimique ni physique. Ce qui fait dire à ceux qui en bénéficient que ces sources sont « la médecine que la terre leur a donnée ». En effet, les communautés riveraines proches des eaux thermales, non seulement qu’elles bénéficient de la gratuité pour les baignades, elles devraient aussi profiter des projets de développement pour l’amélioration de leur mode de vie.
Il existe aussi dans les massifs d’autres ressources utilisées en pharmacopée pour soigner diverses maladies mais aussi générer des revenus pour les tradi-praticiens et autres détenteurs de connaissances; de la paille utilisée dans les étables pour avoir de la fumure en vue d’augmenter la production agricole, socle de l’économie nationale et des ménages ; des produits ligneux et non-ligneux (bois, fruits, termites, médicaments, viandes, paille….) essentiels pour les communautés locales.
Protection de la valeur éco-touristique
Les PPKI représentent des atouts éco touristiques importants pour le Burundi. Surélevés à des altitudes allant jusqu’aux environs de 2500 m et propices aux exercices de randonnées, ces massifs offrent une vue panoramique exceptionnelle sur l’ensemble des quatre points géographiques. Ils se prolongent de l’Ouest à l’Est sur une distance relativement longue. Le massif de Kibimbi est entrecoupé de celui d’Inanzegwe par la route joignant les chefs-lieux des provinces Bururi et Makamba.
Les collines de ces massifs ont des pentes très fortes et sont encastrées profondément par de vallées couvertes d’une végétation luxuriante et florissante avec une diversité biologique passionnante. Sur base des aménagements touristiques, il serait possible d’établir des passerelles qui permettraient de joindre deux sommets de collines voisines et de jouir la possibilité d’observer la biodiversité des vallées étant au-dessus. Ceci permettrait aussi un passage rapide des randonnées.
De par les attractions intrinsèques des PPKI, d’autres facteurs peuvent motiver le tourisme dans les massifs. Il s’agit notamment des eaux thermales de Muyange en commune Bururi ; la proximité des eaux thermales de Muhweza en commune de Rutovu, de la pyramide de Rutovu, de la source la plus méridionale du fleuve Nil et de la RNF de Bururi qui abrite une espèce de Chimpanzé (Pan troglodytes) très visitée par les touristes ; … sont autant d’atouts touristiques évidents à exploiter.
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En effet, les eaux thermales de Muyange situées à proximité de la ville de Bururi constituent des lieux de décontraction pour plusieurs personnes qui viennent s’y baigner. Leur fréquentation est actuellement en hausse suite aux aménagements faits par l’OBPE afin que les baignades se fassent dans de très bonnes conditions hygiéniques. Celles de Muhweza en commune de Rutovu sont aussi fréquentées par les baigneurs mais nécessitent des aménagements similaires à ceux effectués à Muyange.Si les communautés riveraines étaient sensibilisées, formées et accompagnées sur les produits éco-touristiques, elles en tireraient profit eu égard le nombre croissant de baigneurs ces derniers temps.
Ainsi, pour développer le secteur éco touristique dans et autour des massifs, les autorités communales devraient encourager le secteur privé à investir dans ce domaine en leur facilitant l’acquisition des parcelles pour la construction des hôtels et maisons de passage tout près des massifs surtout à Muyange et Muhweza. Elles devraient aussi sensibiliser les populations proches des sites touristiques à profiter du passage des touristes en leur offrant des produits artisanaux en échange contre de l’argent pouvant être même des devises dont le pays a tant besoin. Une fois mis en valeur, ces sites apporteraient des revenus substantiels tant aux populations qu’aux communes.
Atténuation des effets du changement climatique
Le changement climatique se manifeste par la perturbation des saisons des pluies et des saisons sèches avec comme conséquences des fortes inondations et des sècheresses prolongées. Cependant, il n’est plus à démontrer que la végétation naturelle et les boisements artificiels contribuent à la régulation thermique en atténuant les écarts quotidiens de températures. Eparpillés ici et là dans les massifs, ces écosystèmes forestiers interviennent dans l’atténuation des effets des Gaz à Effet de Serre (GES), responsables du changement climatique. Or, ce dernier a déjà induit des conséquences évidentes radicales sur la vie socio-économique des populations riveraines en touchant beaucoup plus les secteurs de l’agriculture, les ressources en eaux, les écosystèmes forestiers et les paysages ainsi que le secteur des transports et infrastructures.
Développement de la recherche
Une prospection éclaire de ces massifs montre plusieurs espèces de flore non encore identifiées. Il en est de même pour la faune mais aussi pour les autres volets intéressants les scientifiques.
Les PPKI sont parmi les écosystèmes naturels du Burundi n’ayant pas bénéficié d’une attention particulière de la part des chercheurs. Très peu d’informations sur la faune et la flore sont documentées. A l’image des autres AP du pays, aucune étude n’y a déjà été faite d’où le PPKI doit bénéficier d’une attention particulière de beaucoup de chercheurs en faune et flore.
Pour la réussite de ce programme, l’OBPE devra promouvoir la coopération avec les autres institutions de recherche comme les universités locales tant privées que publiques et étrangères, les institutions gouvernementales telles l’IGEBU et ISABU. Ces institutions de recherches travailleront en étroite collaboration avec le service de recherche sur la biodiversité déjà opérationnel au sein de l’OBPE.
Les activités de recherche urgentes sont les suivantes:
- Mener des études approfondies d’inventaire (faune et flore) et d’interrelation entre organismes ;
- Faire une étude socioéconomique de l’AP;
- Mener une étude sur l’usage rationnel et les menaces potentielles des ressources naturelles ;
- Suivre la dynamique de certains groupes taxonomiques clés;
- Etude de faisabilité de la mise en place des corridors écologiques reliant les PPKI et les autres AP du Sud (RNF de Bururi, PP de Makamba…) pour la viabilité des chimpanzés;
- Etc.